Le mot du consistoire
Chers paroissiens,
Le printemps est enfin là, et avec lui la joie pascale va bientôt culminer dans le temps de la Pentecôte. La Pentecôte, ou le 50ème jour après Pâques, c’est ce récit dans le livre des Actes de l’ouverture des cieux, et de l’Esprit qui descend sur les disciples qui se mettent à parler en d’autres langues afin qu’ils puissent être compris par tout un chacun, dans sa langue maternelle.
Nous ne pouvons nous empêcher de nous rappeler un autre épisode à l'autre bout de la Bible, dans le livre de la Genèse, lorsque les cieux se sont fermés aux humains qui avaient entrepris l'ouvrage orgueilleux de bâtir une tour pour les atteindre. Dieu descend alors aussi sur les hommes mais pour « brouiller » les langues et les disperser sur la terre. Cette confusion, cette création de la multiplicité des cultures et des langues, est-elle vraiment une punition divine qui contraste avec le don que reçoivent les disciples en Actes 2 ?
Et si, au contraire, il s’agissait de la suite logique de la Création : d’abord l’homme, puis le couple, puis la multitude des langues et des cultures (en Genèse), et enfin l’ouverture sur tous les horizons de l’humanité avec la capacité pour l’homme de rencontrer l’autre dans toute son altérité et toute sa diversité (en Actes).
En tant que communauté francophone vivant à l’étranger, en tant qu’église d’expatriés, ces récits nous parlent tout particulièrement. Nous sommes certes une église de la francophonie, mais outre la langue, nous revêtons des origines très diverses et variées. Nous sommes une église de déracinés et une expression vivante de la pluralité et du multiculturalisme. C’est une pluralité que nous devons célébrer, car elle nous oblige à être réellement alliés, malgré nos différences et nos différents. Tous égaux, tous différents (le slogan du Conseil de l’Europe) : l’égalité universelle n’existe que si les différences particulières sont respectées.
Si, tels les hommes qui construisent la Tour de Babel, nous étions tous pareils, rien ne nous serait étranger et le concept même d’égalité n’aurait plus lieu d’être. Si nous nous aplatissions tous à un même dénominateur commun, et restions dans un entre-soi, le dialogue ne serait plus nécessaire, et sans dialogue avec l’autre que devient-on ? Je ne suis rien si Tu n’es personne.
Sans cette pluralité, il n'y aurait pas d'Eglise de Dieu non plus... car il n'y aurait alors qu'une masse uniforme en face de Dieu. Or Dieu appelle et donne Sa parole à un peuple, à Son peuple.
Pour être "peuple de Dieu" il faut que nous vivions sa pluralité, en accueillant nos différences, et plus encore ! Car cela ne veut pas dire seulement aimer l'autre de loin, à partir du confort de sa propre compréhension ou de sa culture à soi, mais aller à sa pleine rencontre en parlant son langage.
C’est là l’essence même de la Pentecôte : témoigner de Dieu et de son œuvre auprès de l’autre. Pour cela il faut aller pleinement à sa rencontre - pas en utilisant les mots qui sont seulement les nôtres, mais, faisant confiance à l'Esprit de Pentecôte, que nous puissions comprendre chacun le langage de l'autre et parler un langage qui touchera vraiment l’autre. Ainsi ferons-nous le témoignage des merveilles du Tout Autre dans toute la diversité de Sa création et de Son œuvre.
Bien fraternellement,
Le Consistoire